vendredi 22 décembre 2017

Tenir la cadence

 
Il va falloir tenir la cadence,
Le rythme pour entrer dans la danse,  
À toute vitesse, tâche immense
Pour savoir imposer sa présence,
Aucun temps mort, aucune vacances,
Pas de distance, on prend de l’avance.

Pas de temps perdu pour les tourments
Même si tu en prends plein les dents,
Un coup de rein, un coup de rameur,
Ça fait mal, c’est pas pour les frimeurs,
Ça fouette et met du cœur au ventre,
Faut s’ébrouer, sortir de son antre,
Va falloir la tenir la cadence,
Et tout ça, c’est pas gagné d’avance.

Bonne façon pour garder la forme,
Pour plaire et pour rester dans la norme,
Bien protégé, planqué dans le rang
Pas vraiment besoin d’avoir du cran.
Regarde bien droit devant toi,
Bien en face pour avoir la foi,
Voilà c’est pas si mal, t’es présent,
Et bien placé dans le sens du vent.

Vas-y, vas-y, tiens bien la cadence,
Entre avec les autres dans la danse,
Et ferme les yeux pour le moment,
Il n’y en a plus pour très longtemps,
Ce n’est qu’une question de souffle,
Courbe l’échine, reste bien souple,
À force, on se coule dans l’ moule,
Super cool, bien caché dans la foule,
Tu verras, ce n’est guère qu’un rite,
Une habitude et on s’y fait vite.

Venez, les petits gars du monde
Venez, entrez tous dans la ronde,
Allez, prenez-vous par la main,
Le bonheur est bien pour demain,
Il est fait de tout petits riens.
N’en déplaise aux esprits chagrins,
Y’a pas d’mal à s’faire du bien.

 Chantez cet hymne au grand vide
Avant d’avoir trop de rides,
Pas question de rester seul 
Car, comme dit le grand Schmoll,
« Faudrait pas avoir le blues »
Ce serait vraiment la lose.

Dans ce formidable univers sans frontières,
Glissons-nous sans attendre dans le grand concert
Des nations et rendons hommage sans façon
Au temps béni de la mondialisation.


<< Christian Broussas –Cadence - 22/12/2017 • © cjb © >>

lundi 18 décembre 2017

Le premier poème français

 Sainte Eulalie 

         
Sainte Eulalie                     Le martyr de Ste Eulalie           


Eulalie de Mérida est une martyre espagnole du IIIe siècle. Très populaire dans son pays mais aussi en France, elle est connue par la Cantilène de Sainte Eulalie ou chant profane dédié à Sainte-Eulalie.

  Retable de Sainte Eulalie

Ce poème a été composé à l'abbaye de Saint-Amand, près de Valenciennes, peu après 878, date de la découverte des reliques de la sainte. C'est l'un des plus anciens documents en langue d'oïl mais il porte déjà la marque de notre langue actuelle.
On le considère souvent comme le premier poème écrit en "langue vulgaire", mélange de mots latins et vernaculaires, bien avant l’ordonnance de Villers-Coterêts qui a imposé l’exclusivité du français dans les documents relatifs à la vie publique.

     Ste Eulalie par Waterhouse, 1885 (détail)
 
La Cantilène de Sainte Eulalie (IXème siècle)
Version originale    Adaptation en français moderne
Buona pulcella fut Eulalia
Bel avret corps, bellezour anima.
Voldrent la veintre li Deo inimis,
Voldrent la faire diavle servir.
Il non eskoltet les mal conseillers,
In figure de colomb volat a ciel.
Tuit oram que por nos degnet preier
Qued avrisset de nos Christus mercit,
Post la mort, et a lui nos laist venir.
Par souve clementia.
     Bonne pucelle fut Eulalie
     Bel avait le corps, plus belle l'âme.
    Voulurent la vaincre les ennemis de Dieu,
    Voulurent la faire diable servir.
    Elle n'écoute les mauvais conseillers,
    Sous forme de colombe vola au ciel.
    Tous prions que pour nous daigne prier
    Que de nous Christ ait merci,
    Après la mort, et à lui nous laisse venir.
    Par sa clémence.
 
Sainte Eulalie de Mérida est une vierge martyre morte en 304, célébrée dans un hymne de Prudence ( Peristephanon 3) et dans la célèbre Séquence de sainte Eulalie, premier texte littéraire en français.

Elle aurait dit après son jugement, au juge (dans plusieurs légendes hagiographiques, il s'agit du proconsul Dacien) :
Isis Apollo Venus nihil est,
Maximianus et ipse nihil:
illa nihil, quia factu manu;
hic, manuum quia facta colit

En français, ces quatre vers peuvent être traduits par : « Isis, Apollo et Venus ne sont rien, pas plus que Maximilien : ils ne sont rien car ils ont été forgés par la violence ; ici, des mains que le crime honore ».


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