vendredi 9 janvier 2015

Stendhal Mémoires d'un touriste

STENDHAL : Mémoires d'un touriste et Voyage dans le midi
STENDHAL et les voyages

Ensemble des récits de ses voyages en France, publié en deux tomes à Paris en 1838. Le premier tome est consacré à la Bretagne et la Normandie, le second nous entraîne successivement de Vannes en juillet 1837, Paris, le pont du Gard, Grenoble sa ville natale, les villes de Chambéry, Lyon, [1] Genève, Avignon, Marseille, puis il ait un détour en bateau par Gêne en Italie, revient à Toulon, visite Nîmes et Montpellier et termine son périple par Bordeaux à la fin septembre 1837.

« Mais quoi, me suis-je dit, quitterai-je l'Europe, peut-être pour toujours, sans connaître la France ? » écrivait-il dans Mémoires d'un touriste. Mu par une curiosité insatiable, Stendhal sillonne les provinces françaises en y relevant les différences dans les modes de vie, indique les tran­sfo­rma­tions socio-éco­no­miques et sociétales propres à son époque, notant que « les grandes villes sont en avance d'un siècle ou deux sur les petites », et la tendance à l'uniformisation des particularismes locaux dont les habitudes, les façons de vivre se calquent de plus en plus sur le mode de vie parisien.

  

"Voyage en Bretagne et Normandie" est en fait une commande de l'éditeur Ambroise Dupont, que Stendhal écrivit en 1837, au moment où paraissait La Chartreuse de Parme. En congé de longue durée de son poste de consul à Civita-Vecchia -où il s'ennuie- il part avec Prospère Mérimée qui est alors inspecteur général des Monuments historiques mais rejoint Nantes début juin 1837. Il décide de présenter son livre comme une fiction, un marchand de fer Philippe L. venu des colonies, découvrant la France.

Il est friand de « tout ce que les sots appellent des curiosités. Ce qui est curieux pour moi, c'est ce qui se passe dans la rue et ne semble curieux à aucun homme du  pays. » Il n'hésite pas non plus à se renseigner, à engager la conversation avec les gens qu'il rencontre. [2] L'écrivain Henry James précise dans son "Voyage en France" de 1884 : « Je suis ravi d'avoir l'occasion de citer Stendhal dont tout voyageur qui visite la France devrait emporter dans sa malle des deux volumes des Mémoires d'un touriste... partout il donne à réfléchir. Mais son défaut est qu'il ne donne jamais à voir... »    

Voyage dans le midi
« Le bonheur d'avoir pour métier sa passion !  » 
Ce texte passa pour le tome III des Mémoires d'un touriste mais son éditeur ne donnant pas suite au projet, Stendhal entreprit quand même ce voyage qu'il interrompit avant son terme. La relation qu'il en fit ne fut publiée qu'en 1932. Pour lui, « le roman est un miroir promené le long du chemin, » chemin qu'il a de nouveau parcourir pour s'offrir comme il l'écrit « le spectacle de l'humanité. » Voilà le ressort, la motivation de son profond besoin de voyager.

Le 8 mars 1838, il est à Bordeaux et descend à l'hôtel de France rue Esprit-des-lois. Il écrira beaucoup de biens de la ville [3] sauf le Grand théâtre de Louis. Il court au château de la Brède rendre un hommage appuyé à Montesquieu qu'il vénère. Toulouse lui plaît moins avec les cailloux de ses chaussées qui tordent les chevilles, sauf Saint-Sernin et l'église des Augustins. Par des routes cahotantes, la diligence l'emmène jusqu'à Montpellier où seul le musée Fabre semble l'intéresser mais moins que celui de Marseille, fort de ses admirables Puget.
Mais subitement, il décide de remonter vers le nord par la vallée du Rhône, "le voyage du midi" prend un tour septentrional et le récit s'interrompt de cette façon.

Stendhal et les voyages
En fait, Stendhal est un curieux voyageur qui se promène de ci, de là, sillonnant longtemps l'Italie puis la France, comme un insecte butine les fleurs. Ce n'est pas tant le voyage en lui-même qui l'importe et n'a pas vraiment de but précis, ce sont ces moments privilégiés où il note, cahotant parfois sur des routes incertaines, les incidents, les anecdotes, les impressions dont il est friand.

"Voyageur continental" qui a parcourut l'Europe, il se gorge de ce qu'il appelle « le spectacle de l'humanité » pour se l'approprier et libérer un jour ce nectar, par un processus littéraire mystérieux qui sans doute le dépassait, le transformer en portraits inoubliables de Fabrice del Dongo et de Clélia Conti, de Julien Sorel et de Mme de Rênal ou de Lucien Leuwen et de Bathilde de Chasteller. Cet intime mécanisme de création n'est pas sans rappeler cet autre processus amoureux qui transforme une femme en déesse, en être idéal et qu'il appelle la cristallisation.

Le voyage par monts et par vaux dans les sites de la "vieille Europe", c'est sa drogue, sa façon de participer au monde, s'oublier vers des rivages inconnus et oublier son "égotisme", écrivain qui a besoin de changer d'air avant de reprendre la plume dans l'univers confiné de son bureau ou de Civitavecchia.

     

Notes et références
[1] Voir aussi la fiche Lyon vue par Stendhal
[2] "Mémoires d'un touriste" pages 148 & 518
[3] « Lors vers minuit par un beau clair de lune, on sort de la rue Sainte-Catherine... avec au-delà la place de Tourny et les échappées sur le quai, on se demande si aucune ville au monde présente des aspects aussi importants... »

Voir l'ensemble de mes fiches sur Stendhal :
* Stendhal, « Un européen absolu »
* Stendhal et La découverte de l'Italie  --  Stendhal et La campagne de Russie -- 
* Stendhal : Armance -- Stendhal : Lamiel  --  Stendhal : Lucien Leuwen
* Stendhal consul à Civitavecchia  --  Stendhal : Mémoires d'un touriste
* Vie de Henri Brulard  --  Stendhal à Lyon, C. Broussas

Autres références* Stendhal à Grenoble et à Paris
* Présentation générale des œuvres de Stendhal
* Philippe Berhier, "Espaces stendhaliens", PUF, 1997

<< Christian Broussas - Stendhal  Mémoires d'un touriste - 01/2014 >>

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